Omniscience

5 mars 2007 - Enfouissement de dioxyde de carbone à Ketzin

Le dioxyde de carbone émis par les industries polluantes peut-il être enfoui dans les profondeurs de la Terre, plutôt qu’être rejeté dans l'atmosphère où il contribuera au réchauffement climatique ? Une expérience à grande échelle vient d'être lancée en Allemagne pour tenter de le vérifier.

À Ketzin, une bourgade située à 40 kilomètres de Berlin, une équipe internationale de scientifiques a commencé à forer le sol pour atteindre, à 800 mètres de profondeur, une nappe d'eau salée souterraine. À partir de l'été prochain, et pendant deux ans, ils comptent y injecter quelque 60 000 tonnes de dioxyde de carbone pur, qui sera amené sur place par camions-citernes. « Nous allons équiper le site de toute une série de capteurs qui nous aideront à vérifier la pérennité d'un tel stockage », explique Günter Borm, professeur au Centre de recherche de la Terre (GFZ) de Potsdam, près de Berlin, l'institut qui coordonne le projet. « Il n'y a rien de dangereux : le site choisi est très stable et le gaz que nous injectons est le même que celui utilisé pour gazéifier la limonade », assure le Pr Borm.

Le projet, qui coûtera 35 millions d'euros, est financé par l'Union europénne, l'Allemagne, la France, ainsi que par des universités et entreprises européennes. Il vise à vérifier la faisabilité du stockage géologique du dioxyde de carbone, principal gaz responsable de l'effet de serre, une technologie du futur qui est abordée dans un ouvrage homonyme récent (Technologies du futur, Omniscience, 2005). Si cette technique est un jour appliquée à échelle industrielle, le gaz enfoui sera préalablement capté là où il est émis en forte concentration, par exemple dans les cimenteries, les usines sidérurgiques ou les centrales thermiques produisant de l'électricité, et ce grâce à des techniques pour l'heure encore expérimentales.

La technologie d'enfouissement du dioxyde de carbone en profondeur, de son côté, a fait ou fait l'objet d'un nombre relativement restreint de tests à travers le monde, dans des conditions différentes : stockage dans les fonds sous-marins au large de la Norvège ou de l'Australie, dans un gisement pétrolier au Texas ou dans une veine de charbon en Pologne. Dans le sud-ouest de la France, le groupe pétrolier Total expérimentera à partir de 2008 le stockage, dans un ancien gisement de gaz naturel, du dioxyde de carbone émis par les chaudières d'une de ses usines.

À Ketzin, c'est dans un aquifère salin profond, c'est-à-dire une nappe d'eau salée souterraine, sans contact avec les nappes phréatiques, que les chercheurs allemands (mais aussi britanniques, français, polonais et scandinaves) ont choisi d'injecter le gaz. À peine lancée, l'initiative suscite déjà les critiques de certains militants écologistes : « On ferait mieux d'affecter les énormes investissements nécessaires à ce stockage au développement des énergies renouvelables », a ainsi commenté Matthias Seiche, de la Fédération allemande pour l'environnement et la protection de la nature (Bund). De son côté, la géologue Gabriela von Goerne, de l'association Greenpeace, a dénoncé une expérience qui n'empêchera pas « que l'on continue à utiliser massivement les énergies fossiles ».

Reste que la technique reste pour l'heure trop coûteuse : au moins 40 € la tonne de dioxyde de carbone enfouie. À titre de comparaison, sur le marché européen du carbone, les entreprises ayant dépassé leur quota d'émission paient moins de 2 € la tonne pour se dédouaner de la pollution qu'elles occasionnent. Un paradoxe qui renforce la thèse des écologistes à l'heure où les dirigeants européens, réunis en sommet à Bruxelles, se sont engagés dans le développement d'énergies non polluantes !
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